26 août 2011

Parasites ou indigents?

En France, les riches demandent à être taxés plus lourdement. En Belgique, les riches s’attachent surtout à rendre les pauvres encore plus pauvres en essayant de faire en sorte que la sécurité sociale soit la première cible de la politique d’assainissement. En cela, ils peuvent compter sur le soutien complaisant de la droite politique.

Un hamac

Stimulée par le monde patronal, cette droite s’acharne à diffuser l’ineptie selon laquelle la sécurité sociale, de filet de sécurité ultime pour les personnes dans le besoin, serait devenue un hamac pour parasites oisifs.

Que l’on sorte ces fainéants de leur hamac, entend-on dire. Et pas seulement par l’activation, car cette mesure coûte de l’argent, puisqu’il faut payer accompagnateurs, formateurs, facilitateurs et tutti quanti. De plus, elle n’a aucun effet sur des gens qui connaissent tous les trucs pour en faire le moins possible. Pour les faire bouger, il faut les mettre sur la paille, limiter l’accès aux allocations, réduire le montant des allocations ou supprimer les allocations après un certain temps. Et surtout mettre fin à ce maudit système de liaison au bien-être: l’augmentation, tous les deux ans, des allocations avec, entre autres, les 2% supplémentaires pour les allocations minimums dans la sécurité sociale et l’aide sociale. Car ce système coûte trop cher. Il est injustifiable à un moment où l’on demande aux actifs de modérer leurs salaires.

Dans ce raisonnement, ce sont en première instance les allocations d’attente des jeunes chômeurs et les allocations de chômage des chômeurs âgés qui doivent passer à la trappe, entraînant dans leur sillage les régimes de prépension pour les chômeurs âgés licenciés. Cette tendance, on la constate toutefois aussi dans le débat sur les indemnités de maladie et d’invalidité et sur l’aide sociale. Et, cerise sur le gâteau, voilà que Karel De Gucht déclare – malgré sa maigre connaissance du dossier – qu’en Belgique, on obtient trop facilement une reconnaissance comme personne handicapée!

Sécurité minimum

Un hamac? Le dernier rapport annuel de la Commission d’étude sur le vieillissement permet de replacer une série de choses dans leur contexte. En effet, la commission a une nouvelle fois calculé de manière très précise, sur la base de critères européens, de quel montant un isolé ou un couple doit disposer en Belgique en 2011 pour ne pas encourir un risque trop élevé de basculer dans la pauvreté. Cette norme de pauvreté s’élève en 2011 à 1.013 euros par mois pour un isolé et à 1.520 euros par mois pour un couple, soit 50% de plus. Ces montants s’entendent sans charge d’enfants. Par enfant de moins de 14 ans, il faut encore ajouter 304 euros. Ces chiffres, nous ne les inventons pas. Ce sont de nouvelles estimations basées sur les critères utilisés par l’Europe dans le cadre de sa politique sociale et de sa stratégie à long terme "Europe 2020".

Alors, dans quelle mesure la sécurité sociale ou l’assistance sociale rend-t-elle les non-actifs indolents? Faisons un petit exercice pour quelques allocations minimums, sachant que grâce au dernier accord interprofessionnel, ces allocations seront une nouvelle fois majorées de 2%.

A partir du mois de septembre, un jeune chômeur isolé de 21 ans qui quitte l’école et qui reçoit une allocation d’attente pourra compter sur 770,40 euros par mois, ce qui se situe 23,9% en deçà de la norme de pauvreté.

L’allocation de chômage minimum pour un isolé sera bientôt portée à 898,20 euros par mois, soit 11,3% en deçà du seuil de pauvreté.

A partir du mois prochain, un chômeur chef de ménage dont le partenaire n’a pas de revenu propre recevra 1.069,30 euros par mois. On est donc 29,7% en deçà de la norme (et il n’y a pas d’enfants).

Et le revenu d’intégration? Il passe à 770,20 euros par mois si le bénéficiaire est isolé, soit 24% trop peu. S’il s’agit d’un couple sans enfants, le CPAS octroie 1.026,90 euros, soit 32,4% trop peu.

Tournons-nous à présent vers les pensions. Même en ayant une carrière complète de travailleur (45 ans, assimilations comprises), un isolé n’aura dorénavant plus droit qu’à un minimum de 1.066,30 euros et un ménage à 1.322,50 euros. Cet isolé se situera juste au-dessus de la norme de pauvreté. La pension de survie est même encore un peu moins élevée. La pension de ménage minimum se situe quant à elle 13% en deçà de la norme de pauvreté.

Pas une vie

Toutes nos excuses pour cette avalanche de chiffres mais, à la veille du grand débat sur l’assainissement budgétaire, il n’était pas inutile de rappeler ce que cela signifie concrètement pour de nombreux non-actifs de vivre d’une allocation minimum de la sécurité sociale ou d’une aide sociale, malgré le mouvement de rattrapage effectué grâce à la liaison au bien-être. Etre réduit à une allocation minimum, ce n’est pas une vie. Dès lors, imaginez ce que serait la vie de tous ces chômeurs de longue durée que l’on condamnerait à une allocation minimum. Ce que serait la vie de ces jeunes qui quittent l’école et de ces chômeurs de longue durée que l’on évincerait de l’Onem pour les réduire à un revenu d’intégration. Imaginez les conséquences de mesures qui mettraient fin au mouvement de rattrapage que nous avons entamé pour lier les revenus de remplacement et l’aide sociale au bien-être. Elles ne feraient que créer la pauvreté. Sans oublier qu’elles seraient en contradiction totale avec les objectifs européens en matière de lutte contre la pauvreté (réduire de 20 millions le nombre de personnes courant un risque de pauvreté ou d’exclusion en Europe d’ici 2020) et l’objectif que la Belgique s’est légalement engagée à poursuivre (réduire de 380.000 le nombre de personnes courant un risque de pauvreté ou risquant l’exclusion, d’ici 2020).

Luc Cortebeeck, président de la CSC
Marie-Hélène Ska, secrétaire nationale de la CSC
Ann Van Laer, secrétaire nationale de la CSC

1 commentaire:

  1. Je suis dans la précarité, femme au foyer pendant des années, divorcée avec 3 enfants, je suis au chômage depuis quelques années, les formations FOREM, n'ont pas aidé pour trouver un job. Ce qui aide un peu c'est les chèques ALE. De plus en plus, des groupements se créent notamment des Jardins Partagés, j'invite la CSC a faire un relevé cartographique des jardins partagés pour que le chômeur puisse en profiter,des légumes gratuit moyennant un petit travail, ca vaut la peine ! Pour dire j'ai un jardin potager et depuis le 1er juillet j'en ai pas acheté un seul légume ! Maintenant, je vais étudier les fruitiers, ce sont les fruits les plus chers. Grace à des légumes de qualités, mes enfants et moi-même limitons les frais de médecins et de pharmacie.

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