12 août 2011

Réforme du travail des étudiants: plus pour son argent?

Le travail des étudiants sera prochainement réformé. A partir du 1er janvier 2012, les étudiants pourront conclure des contrats de longue durée (1 an) et travailler 50 jours par an sans être assujettis à la sécurité sociale. On ne verse pas des cotisations de sécurité sociale mais d’autres cotisations dites de "solidarité", généralement moins élevées. Jan Denys, spécialiste du marché du travail, relevait avec enthousiasme à la télévision que cette réforme constitue un avantage concurrentiel pour l’économie belge. Jan Denys n’est bien évidemment pas neutre. Il prêche ici pour sa chapelle, l’entreprise de travail intérimaire Randstad, qui possède une très importante part de contrats étudiants dans son portefeuille. A la CSC, nous nous montrons moins enthousiastes, pour de bien meilleures raisons.

Nous partons du principe que l’étudiant doit être au cœur de la réforme. L’étudiant peut souhaiter gagner un petit salaire d’appoint. Mais il ne s’agit que d’un salaire d’appoint, car étudier est sa tâche essentielle. La nouvelle loi permettra à ces étudiants de travailler davantage tout en cotisant moins à la sécurité sociale.

Tout le monde y gagne? Pas si sûr!

Soyons clairs: l’étudiant ne bénéficie pas de nouveaux droits à la sécurité sociale. Il travaille plus longtemps mais ces jours de travail ne sont pas pris en considération, par exemple, pour constituer des droits aux vacances jeunes. Les jours qui sont prestés en été ne comptent pas non plus pour réduire le stage d’attente permettant d’accéder aux allocations d’attente. La situation pourrait être sensiblement meilleure.

La durée d’un contrat de travail étudiant a été portée à un an. Les étudiants ont un contrat à durée déterminée. En d’autres termes, ces contrats peuvent être établis un an à l’avance. Mais les étudiants ne bénéficient pas, par exemple, de vacances, de délais de préavis prolongés… La réforme introduit davantage de flexibilité à charge de l’étudiant, en revanche elle ne bénéficie pas aux droits de celui-ci.

Enfin, on rate ici l’occasion de mettre la réglementation en adéquation avec la flexibilisation de l’enseignement. Il ne faut plus nécessairement terminer ses études en juin. L’étudiant peut désormais le faire à tout moment de l’année. Nous avions ici l’occasion de préciser clairement les modalités d’octroi d’un contrat d’étudiant. Les institutions compétentes continuent de se contredire, ce qui ne simplifie pas la nouvelle réglementation pour les jeunes qui quittent l’école.

Conclure des contrats d’étudiant devient plus facile et ce type de contrat coûte un peu moins cher à l’employeur. Nous craignons qu’il ne s’agisse d’une forme de politique de l’emploi à court terme. Ces étudiants ont peu à y gagner, mais les contrats vont se multiplier et souvent pour une plus longue durée.

Qui assumera le coût de la réforme? Où trouver autant d’argent?

Le travail des étudiants n’équivaut pas seulement à "blanchir" le travail au noir. Les jours prestés par ces étudiants sont souvent des jours actuellement soumis à des cotisations de sécurité sociale. Prochainement, ils ne seront plus soumis qu’aux cotisations de solidarité "étudiants".

Les estimations budgétaires se fondent sur une vision relativement stricte: l’impact budgétaire doit être neutre. Avant on travaillait 46 jours contre 50 à présent. Pour l’employeur, la charge est donc répartie sur un plus grand nombre de jours de travail. Par conséquent, la cotisation journalière s’en trouve réduite. En outre, cette réforme lève divers obstacles: un plus grand nombre de jours prestés auparavant par des travailleurs ordinaires seront désormais prestés par des étudiants, entrainant ainsi de nouvelles pertes de recettes pour la sécurité sociale. Autant d’éléments qui nous portent à croire que les estimations budgétaires ne sont pas fondées.

Un contrôle budgétaire strict est nécessaire. En réalité, la sécurité sociale ne peut pas se permettre de prendre des risques financiers. Il faut augmenter les cotisations si nécessaire. Par ailleurs, le gouvernement avait réaffirmé en 2008 que le travail des étudiants devait rapporter 10 millions de plus dans le futur afin d’améliorer le financement de la sécurité sociale. Nous n’avons pas oublié cette promesse.

Donner aux étudiants ce qui leur revient

Nul n’ignorait qu’un remaniement de la réglementation actuelle était nécessaire. Elle était trop complexe. Or, cette modification est partiale. Les étudiants peuvent travailler davantage et de façon plus flexible mais ils reçoivent peu en échange, hormis leur salaire pour ces jours de travail. Ils paient des cotisations mais ne bénéficient d’aucun droit. Ils restent moins chers que leurs collègues fixes alors qu’ils perçoivent un salaire net plus élevé que ces derniers. Cette situation attise encore la concurrence entre les deux groupes sur le terrain.

La réforme n’est donc pas achevée. Nous invitons les responsables politiques à finaliser le travail car l’étudiant jobiste en a décidément peu pour son argent.

Ann Van Laer,
secrétaire nationale de la CSC

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