29 juillet 2011

7,6 milliards de réduction d'impôts pour les entreprises

Les entreprises doivent payer 33,99% d’impôts sur leurs bénéfices, du moins en théorie. Car les frais prouvés et toutes sortes de mesures d’aide fiscales permettent de diminuer la base imposable. De ce fait, le taux d’imposition est sensiblement moindre. Depuis quelques années, la technique des intérêts notionnels autorise une réduction supplémentaire de l’assiette imposable. Il s’agit d’un intérêt fictif calculé sur les fonds propres. De ce fait, beaucoup d’entreprises sont parvenues à ramener leur taux d’imposition nettement en-dessous du niveau théorique de 33,99%, voire même d’échapper totalement à l’impôt des sociétés.

Le ministre des Finances Reynders a récemment annoncé les derniers chiffres pour la période 2001-2009. Il s’agit du taux d’imposition réel moyen. Ces chiffres font apparaître que dès 2001, les entreprises se situaient nettement en dessous de 33,99%. Le taux réel ne représentait que 59% du taux théorique. Depuis, la situation n’a fait que se détériorer. Les derniers chiffres connus n’ont jamais été aussi mauvais: un taux réel moyen de seulement 11,8%, ce qui ne représente que 35% du taux théorique.


35% de l’effort d’assainissement

Pour 2009, les chiffres présentés par Reynders donnent pour l’ensemble des entreprises un résultat positif de 93.956.000.000 euros. Imaginons qu’au lieu de payer 11,8% d’impôts sur cette somme, les entreprises avaient payé 19,9% d’impôts. Cela aurait rapporté aux pouvoirs publics 7.643.244.000 euros supplémentaires. Faites le compte: 7,64 milliards, cela correspond à 35% des 22 milliards d’assainissements dont il est question dans le cadre des discussions pour la formation du gouvernement. C’est nettement mois que l’effort que demande la note du formateur Di Rupo en termes de fiscalité du capital et de ses revenus. La partie "recettes" de la note Di Rupo ne représenterait en soi que 27% de l’assainissement.

Aussi bien l’Union européenne que les institutions internationales demandent que la Belgique réduise surtout les charges qui pèsent sur le travail. Notre pays a fait exactement le contraire: il a fortement réduit les charges sur le capital. Le FMI a déjà indiqué qu’il s’agit là d’objectifs contradictoires, qui risquent de nuire à l’emploi. En effet, pour créer des emplois, il faut rendre l’apport de travail moins coûteux que l’apport de capital. Or, la Belgique a fait exactement l’inverse.

Un bassin de retenue fiscal

Cette énorme perte de rentrées fiscales est naturellement due à un concours de circonstances. Mais l’instauration de la déductibilité des intérêts notionnels est sans conteste une raison majeure de ce phénomène. Il risque de devenir encore plus important alors que la crise a permis la constitution d’un bassin de retenue pour des abattements qui peuvent être reportés. Comment? Les entreprises qui réalisent des pertes ne peuvent aujourd’hui pas profiter de la déductibilité des intérêts notionnels. Puisqu’elles ne font pas de bénéfices, elles ne doivent pas payer d’impôts, de sorte qu’une déductibilité ne présente pour elles aucun intérêt aujourd’hui. Le législateur a cependant prévu qu’elles pourront quand même utiliser ces intérêts notionnels plus tard, dès qu’elles engrangeront à nouveau des bénéfices. Mais cela garantit effectivement que l’Etat devra faire le gros dos face à la crise économique pendant des années. En réponse à une question parlementaire de Dirk Vandermaelen (sp.a), le ministre Reynders a expliqué que pour l’exercice d’imposition 2009, les intérêts notionnels qui peuvent être reportés représentaient 5,4 milliards, ce qui est un montant énorme. En conséquence, le fisc sait déjà que tous ces reports lui coûteront bientôt environ 1,8 milliard (le rendement d’un abattement fiscal de 5,4 milliards à l’impôt des sociétés).

La CSC n’a jamais demandé la suppression pure et simple de la déductibilité des intérêts notionnels. Chacun doit cependant comprendre que le mécanisme actuel n’est pas tenable alors que nous devons réaliser 22 milliards d’assainissements. Ce n’est pas défendable vis-à-vis des travailleurs salariés et des inactifs qui seront durement touchés par les douloureuses mesures qui figurent dans la note de Di Rupo.

Koen Meesters, conseiller service d'étude
Luc Cortebeeck, président

27 juillet 2011

43.000 travailleurs âgés supplémentaires chaque année

Pacte de solidarité entre les générations X 100 ?

Le Pacte de solidarité entre les générations ne fait pas avancer les choses, nous connaissons la chanson! Les syndicats, largement soutenus par les entreprises, continuent sans vergogne à pousser les travailleurs âgés vers la prépension: autre refrain que nous avons entendu crescendo pendant la crise financière! De ce fait, le taux d’activité des aînés n’augmenterait que très lentement. Les carrières seraient de plus en plus courtes, alors que nous vivons plus longtemps. Dans ces conditions, le temps presserait pour l’évaluation approfondie du Pacte de solidarité entre les générations, et de préférence pour l’adoption d’un Pacte bis. Les propos les plus colorés sont venus de Luc Coene, le gouverneur de la Banque nationale: le Pacte de solidarité entre les générations coûte plus qu’il ne rapporte, et, pire encore, nous avons besoin d’un Pacte x 100. Le tout sous les applaudissements de la FEB, qui en 2009 déjà insistait pour que l’on anticipe l’évaluation du Pacte de solidarité entre les générations, prévue pour 2011 seulement.

En vertu du projet d’accord interprofessionnel pour 2011-2012, les partenaires sociaux doivent d’abord procéder à cette évaluation en commun au sein du Conseil national du travail. Le rapport, avec un avis en annexe, doit être remis pour fin septembre 2011. Toutefois, il semble que la FEB ne soit à nouveau pas prête à attendre les résultats puisque Rudi Thomaes, administrateur délégué, a récemment déclaré que le Pacte de solidarité entre les générations n’avait "pratiquement rien changé" au faible taux de participation des plus de 55 ans.

217.000 travailleurs âgés en plus

Est-ce que les choses sont aussi évidentes? Non, disons-nous. Et les chiffres ne mentent pas:
Depuis 2005, l’année du Pacte de solidarité entre les générations, le nombre d’actifs de 50 à 64 ans a augmenté de pas moins de 217.000 unités. Soit une augmentation de 43.400 personnes par an en moyenne. 59% (127.000) ont plus de 55 ans. Le nombre de chômeurs complets âgés de moins de 58 ans qui ne sont plus disponibles sur le marché de l’emploi a diminué drastiquement depuis 2005, passant de 53.635 à 2.294. Le nombre de prépensionnés dispensés de moins de 58 ans s’est réduit de moitié en cinq ans (de 23.524 à 13.141). Pour les pseudo-prépensionnés (Canada Dry), nous n’avons pas de chiffres mais il semble bien que leur nombre ait encore plus fortement diminué depuis le Pacte. Et l’âge effectif moyen de sortie du marché de l’emploi est en augmentation constante.

Et pour ce qui est du procès d’intention fait aux partenaires sociaux au début de la crise financière, selon lequel ils organiseraient un nouvel exode de travailleurs âgés, les chiffres ne le confirment nullement. Le nombre de travailleurs âgés a continué à augmenter sans interruption, tandis que le nombre de prépensionnés de moins de 60 ans était en baisse constante, malgré tout le tintouin autour des dossiers Carrefour, Godiva et Opel.

La norme des 1,5 fois est atteinte

Dans ces conditions, le taux d’activité des aînés a enregistré une belle augmentation, suffisante pour atteindre avec panache l’objectif du Pacte de solidarité entre les générations. Selon cet objectif, le taux d’activité des 55 à 64 ans devait augmenter 1,5 fois plus vite que la moyenne européenne (15 pays) et il est atteint. Selon les statistiques européennes, l’augmentation est de 9,5% entre 2005 et 2010 pour l’UE 15. Une fois et demi, cela veut donc dire +14,25%. Autrement dit, la Belgique devait passer de 31,8 sur 100 (en 2005) à 36,3 sur 100. Eh bien, en 2010, nous en étions à 37,3 sur 100, un résultat que personne n’aurait oser espérer en 2008. Personne ne s’attendait à ce que notre marché de l’emploi réagisse aussi bien à la crise financière, nettement mieux que les autres pays européens.

Le taux d’activité des aînés va continuer à augmenter. Tout d’abord parce que le Pacte de solidarité entre les générations est loin d’avoir atteint sa vitesse de croisière. Les exigences de carrière pour la prépension à partir de 58 ou 60 ans vont encore être renforcées. Les prépensions sectorielles à 55, 56 et 57 ans après 38 ans de carrière disparaissent fin 2014. La prépension à partir de 56 ans après 40 ans de carrière va disparaître peu à peu, vu l’augmentation de l’âge de l’obligation scolaire. La forte hausse du "ticket modérateur" pour les jeunes prépensionnés n’est entrée en vigueur que l’an dernier. Mais, même sans toutes ces mesures, de nombreux aînés travaillent plus longtemps. Parce qu’ils ont des enfants plus tard, parce que ces enfants font de plus longues études et quittent la maison plus tard. Parce que plus d’emplois permettent de travailler plus longtemps. Parce que les travailleurs sont plus nombreux à souhaiter une pension complète. Et parce que les employeurs sont confrontés à des problèmes de recrutement et réfléchissent donc à deux fois (espérons-le) avant de pousser leurs travailleurs âgés vers le chômage.

Un pacte pour toutes les générations

L’avenir n’est pas rose pour autant. Nous ne prétendons pas que tous les objectifs sont atteints. Non, le taux d’activité reste trop bas. Malgré le mouvement de rattrapage, le taux d’activité des aînés reste largement inférieur à la moyenne européenne. Nous devrons tous travailler plus longtemps en moyenne. Le Congrès d’avenir de la CSC l’a reconnu explicitement. Mais que l’on ne vienne plus nous rabâcher les oreilles en prétendant que le Pacte de solidarité entre les générations est un fiasco, que les vieux en profitent de plus en plus sur le dos des jeunes et que nous n’avons rien changé à nos vieilles habitudes en matière de prépension.

Peut-être pourrons-nous ainsi entamer un débat plus serein. Un débat qui ne réduit pas la solidarité intergénérationnelle au fait de travailler plus longtemps mais qui l’élargisse au chômage et à l’insécurité d’emploi des jeunes, au manque d’intérêt pour les personnes d’origine étrangère ou pour les handicapés. Un débat qui ne vise pas seulement à allonger les carrières, mais aussi à les alléger, avec des possibilités de pauses à l’intérieur de la carrière et de départ progressif en fin de carrière. Qui s’attaque aux obstacles qui empêchent tant les hommes que les femmes de se constituer une carrière complète, avec le droit à une pension complète. Qui ne fait pas seulement la chasse aux non-actifs mais qui se dise aussi que pour tous ces demandeurs d’emploi actifs, il faut des emplois adaptés à leurs possibilités. Qui, avant d’accuser les chômeurs âgés de se complaire dans le système, constate que les employeurs ne sont guère intéressés par un groupe-cible de plus de 50 ans, dont 3 sur 5 sont peu qualifiés et 1 sur 5 souffre d’un handicap du travail (chiffres du VDAB). Qui reconnait qu’une politique de fin de carrière arrive trop tard et que c’est pendant toute la carrière qu’il faut éviter que les travailleurs ne s’épuisent trop vite. Qui cesse de concentrer la problématique de la fin de carrière sur le problème de plus en plus réduit des prépensions, simplement parce que les employeurs veulent faire supporter une partie du coût par l’ONEM. Qui est attentif à la qualité des emplois, des carrières, de l’organisation du travail, pour permettre aux travailleurs de prendre de l’âge tout en continuant à travailler. Et qui, pour toutes ces raisons, place les employeurs face à leurs responsabilités. Car, Monsieur Thomaes, si le Pacte des générations n’a "pratiquement rien changé", c’est bien à ce niveau-là.

Ann Van Laer,
Secrétaire nationale

Réponse du syndicat norvégien LO suite au message de compassion et de solidarité envoyé par la CSC

(Résumé) LO Norvège et sa présidente sont très reconnaissants pour les témoignages de compassion. Beaucoup de dirigeants actuels des jeunes de LO, ainsi que de futurs dirigeants du mouvement ouvrier norvégien, entre autres du mouvement syndical, ont été abattus en quelques heures. A la souffrance des jeunes tués ou blessés s’ajoute le profond traumatisme ressenti par les autres jeunes qui ont vécu cette tragédie. Le 22 juillet 2011 restera dans nos mémoires comme le jour le plus noir de l’histoire de notre mouvement. Un pays ouvert tel que la Norvège est certes vulnérable, mais nous voulons préserver cette démocratie ouverte et nous voulons que cette catastrophe nous rende plus unis.

Voici le texte intégral, en anglais, de la réponse que nous avons reçue:

"Dear Luc, dear friends of the ACV-CSC,

LO Norway is deeply grateful for the condolences sent by you and a lot of other unions and unionleaders. It is very important for us to know that you are with us in these painful times.

An incredible tragedy has hit The Labour Party Youth, the labour movement in Norway, and our country as a nation. Hundreds of young people have been killed, wounded or traumatized by the shameful acts of terror.

It is difficult to grasp that Norway’s labour movement in a few hours lost so many of tomorrow’s leaders. July 22. 2011 will forever be remembered as the darkest day in the history of the labour movement of Norway.

Many of the victims that took part in the summer camp at Utøya belong to the member unions’ of LO. Many of them have positions in the union. They are the spine of LO’s youth work. We now know that some of them are among the missing, and possibly killed, in the horrendous attack on Utøya.

The bomb attack on the government buildings in Oslo and the massacre at Utøya show the vulnerability of an open society like ours. But we will show how important and deeply rooted this open democratic society is. Norway will become stronger and more united as a results of the attack.

Thank you very much for your solidarity and sympathy.

In deep sorrow,

Roar Flåthen
LO President"

25 juillet 2011

Budget des soins de santé: pas de fétichisme de la norme

Parmi les mesures envisagées dans la note du formateur, Elio Di Rupo, figurait l’idée de ramener la norme de croissance des soins de santé à 2%.

Nul ne sait (en tout cas l’auteur de ce message ignore) si cette note formera un jour la base d’un programme gouvernemental. A supposer que ce soit le cas, quels seraient les enjeux?

Un premier aspect du problème est que, justement, il est devenu très difficile d’expliquer les enjeux en quelques lignes. Le budget des soins de santé est devenue un écheveau si embrouillé que très peu de personnes sont en mesure de l’expliquer en détail, sans parler de le maîtriser. Une première chose serait d’en revenir à quelques principes simples et que tout le monde comprenne, comme l’a d’ailleurs recommandé la Cour des comptes.

Un exemple parmi d’autres?

L’INAMI a approuvé le 18 juin une dépense de près de 50 millions (2 milliards de francs belges) pour le "statut social" des pharmaciens et des kinésithérapeutes. Il s’agit d’une intervention de l’INAMI dans un régime de pension complémentaire pour certaines professions médicales. Ce système n’existait au départ que pour les médecins, et était une "carotte" pour les inciter à se conventionner. Il faut rappeler que rien n’oblige un médecin à accepter les accords médico-mutuellistes. Du point de vue de l’assurance maladie, que le médecin soit conventionné ou non ne change rien: elle paie selon le tarif prévu par la réglementation. Si le médecin est conventionné, il s’engage à respecter ce tarif. S’il n’est pas conventionné, il pratique les tarifs qu’il veut, et la différence est payée par le patient. Comme cette "carotte" n’est payée qu’aux médecins conventionnés, elle n’est pas à charge du budget des prestations médicales, mais à charge des frais d’administration de l’INAMI. Par égalité de traitement, on a appliqué le même système à un certain nombre de praticiens paramédicaux qui se trouvent pourtant dans un contexte différent: ils sont tenus de respecter les tarifs de l’INAMI pour que leur prestation soit remboursée, ce qui pour la grande majorité d’entre eux est un élément indispensable pour que les patients fassent appel à eux. A priori, ce "statut social" est donc octroyé à tous les prestataires actifs. Il n’est pas justifié que de telles dépenses ne fassent pas partie du budget de la rubrique concernée.

Et on pourrait multiplier des exemples du même genre, dont on voit qu’ils ne portent tout de même pas nécessairement sur des petites sommes.

La loi actuelle prévoit une croissance de 4,5% hors inflation. C’est un héritage du dernier gouvernement Verhofstadt, où il s’agissait d’une priorité politique assumée. Depuis lors, elle est restée inscrite dans la loi, faute de majorité pour la modifier. Au cours des deux dernières années, le budget ainsi déterminé est supérieur aux dépenses réelles, ce qui permet de parler à la télévision de "boni" dans les soins de santé, alors qu’on parle d’un secteur dont la croissance est bien supérieure à celle du PIB, des salaires et de n’importe quel indicateur connu…

Et cette croissance s’observe alors que, depuis plusieurs années, le gouvernement fédéral est dans un état quasi permanent de blocage ou "d’affaires courantes", et s’interdit donc des initiatives importantes – soit pour améliorer le système, soit pour y définir les priorités.

Historiquement, 4,5% hors inflation est le rythme de croissance "naturel" des dépenses depuis une bonne vingtaine d’années.

Si on prend au sérieux l’idée que le budget ne peut croître que de 2% (on veut dire: si on cesse le petit jeu de mettre "hors budget" ou "hors norme" un certain nombre de dépenses), il s’agit d’une rupture nette par rapport aux tendances à l’œuvre depuis plusieurs années, en Belgique comme à l’étranger.

Si un budget est présenté sur cette base, la CSC ne s’arrêtera pas au fétichisme de la norme.

Elle verra d’abord si le budget ainsi déterminé tient la route. Car si ce n’est pas le cas, comment sont financés les dépassements?

Eh bien, dans une certaine mesure, joue la "responsabilité financière des mutualités". Cette responsabilité "des mutualités" est en fait celle de leurs afflilés, qui seraient invités à payer une cotisation complémentaire.

Au-delà de cette responsabilité financière, le déficit devrait, tout simplement, être comblé… par la gestion globale de la sécurité sociale, ce qui fait qu’on tourne en rond.

Il faudra voir ensuite comment ce budget volontariste sera réalisé. Manifestement, il ne suffira pas de "laisser aller les choses": des mesures d’économie importantes devont être prises. A charge de qui? Des patients? Du personnel des soins de santé? Il faudra sans doute définir des priorités. En direction de qui? Qui paiera la différence entre ce que couvre la sécurité sociale et ce que coûtent réellement les soins de santé? Les patients? Des assurances privées?

Une dernière chose: la proposition du formateur se situe dans un ensemble, qui comporte un chapitre de réformes institutionnelles, lequel prévoit notamment de communautariser certaines rubriques de l’assurance maladie, en particulier les soins aux personnes âgées.

Il n’est pas inutile de rappeler l’évolution des principales rubriques de l’assurance soins de santé.

Message de sympathie et de solidarité à l’attention des travailleurs norvégiens

Au nom de la CSC et en tant que vice-président de l’Organisation internationale du travail (OIT) et président du Groupe des travailleurs, Luc Cortebeeck a envoyé le message suivant à la direction du syndicat norvégien LO et au Premier ministre Jens Stoltenberg.

Chers amis,

Les travailleurs belges, les membres et la direction de la CSC et les membres du Groupe des travailleurs de l’Organisation internationale du travail sont choqués et abasourdis face à la tragédie de ce vendredi 22 juillet à Oslo et sur l’île d’Utoya.

Au lieu de cette catastrophe, le peuple norvégien et ses gouvernements successifs méritent le respect et la gratitude de tous pour les initiatives internationales et historiques qu’ils ont prises en faveur de la paix et des droits des travailleurs. Nous avons participé à la Conférence commune OIT-FMI d’Oslo en septembre 2010, à l'invitation du Premier ministre Jens Stoltenberg et appelé ensemble à une reprise après la crise, ciblée sur l’emploi. Nous apprécions aussi énormément le travail de LO en Norvège et au niveau international, au sein de l’OIT.

Les événements de ce vendredi constituent une attaque contre une vision de société basée sur la solidarité et contre des jeunes qui voulaient s’engager pour défendre cette vision à l’avenir.

Nous tenons à exprimer notre sympathie et notre solidarité à toutes les familles de victimes, au peuple norvégien, aux travailleurs et aux jeunes de Norvège, à LO Norvège.

Luc Cortebeeck,
président de la CSC,
vice-président de l’OIT et président du Groupe des travailleurs

22 juillet 2011

La norme salariale… vue autrement

Ils sont rares mais heureusement ils existent encore, les économistes qui n’ont pas abandonné toute vision indépendante et qui osent développer une réflexion critique face à des postulats acceptés de tous. En ces temps où notre propre Banque nationale multiplie sans broncher les propos négatifs à l’égard de notre mécanisme d’indexation des salaires, il est réconfortant de voir que Fons Verplaetse, gouverneur honoraire de la Banque nationale, fait sa propre analyse sur les salaires et la norme salariale.

Chacun sait que depuis l’instauration de la loi belge sur la norme salariale, l’évolution de nos salaires est liée à l’évolution des salaires dans nos trois pays voisins, à savoir l’Allemagne, la France et les Pays-Bas. Le poids attribué à chaque pays est proportionnel à l’importance de son Produit intérieur brut (PIB). De ce fait, l’évolution des salaires en Allemagne est celle qui pèse le plus lourd dans la détermination du salaire moyen de référence auquel nos salaires sont comparés. Compte tenu de la politique dure de modération salariale menée ces 10 dernières années par l’Allemagne, le fait de respecter l’évolution moyenne des salaires ne s’avère pas chose aisée. On constate d’ailleurs aussi qu’aux Pays-Bas et en France, les salaires suivent plutôt l’évolution normale de la productivité et augmentent donc nettement plus rapidement que les salaires allemands.

La majorité des économistes répètent comme un mantra que la Belgique souffre d’un handicap des coûts salariaux et que la maîtrise de ces coûts constitue une absolue nécessité, de préférence en supprimant le mécanisme d’indexation automatique des salaires, qui serait responsable de ces "dérapages salariaux intolérables".

Toutes les questions critiques sur les longues années de modération salariale allemande, sur leur influence négative sur la demande intérieure allemande et sur le sous-développement du secteur des services en Allemagne seraient autant de fausses notes que l’on n’entend pas au sein de ce chœur de convaincus. Aucune voix ne s’élève pour faire remarquer qu’en raison de la loi sur la norme salariale, la Belgique est obligée d’adopter partiellement la modération salariale allemande, malgré la rentabilité plus qu’honorable de nos entreprises.

Le plaidoyer tenu par Fons Verplaetse fin juin dans "Knack" (22.06.11) est donc très agréable à entendre. Prendre le PIB comme facteur de pondération pour comparer nos salaires à ceux des pays voisins n’est, selon Verplaetse, pas une très bonne idée. Ce qui compte, c’est le poids de nos voisins dans les exportations mondiales totales. C’est en effet sur le marché des exportations que la Belgique doit concurrencer ses voisins. Si l’on prend comme facteur de pondération la part de chaque pays dans les exportations mondiales, les salaires néerlandais ont un poids nettement plus important. Le handicap salarial qui s’élevait en 2010 à 3,9% avec la méthode de pondération du PIB est ainsi réduit à 2%. Si l’on en déduit les 1,6% de subsides salariaux pour les entreprises, il reste un handicap de 0,4%. Qui a parlé de dérapage salarial?

Verplaetse profite de l’occasion pour souligner les véritables défis pour notre économie. On constate que les coûts d’importation ont augmenté en moyenne de 1,7% entre 1996 et 2010, contre 0,7% seulement chez nos voisins. La part importante de l’énergie dans nos importations n’y est certainement pas étrangère. Les coûts d’importation sont importants puisqu’ils représentent 42% du coût de nos produits, contre 30% pour les salaires. La différence est importante par rapport aux pays voisins, où les salaires constituent en moyenne 42% du coût alors que les coûts d’importation ne représentent que 16%. Verplaetse en conclut que si l’on parle de compétitivité au niveau des coûts, le problème se situe surtout au niveau des coûts d’importation pour la Belgique et au niveau des coûts salariaux pour nos voisins.

Si l’on n’a que peu ou pas d’impact sur les prix à l’importation, on en a d’autant plus sur d’autres éléments structurels. C’est ainsi par exemple qu’en comparaison avec nos voisins, nos entreprises sont sous-représentées dans le secteur des hautes technologies ou dans les services intensifs en connaissance. Nos voisins obtiennent de meilleurs résultats en matière de formation sur le lieu de travail et de dépenses pour la recherche et le développement et les TIC. Ces handicaps structurels constituent le facteur déterminant pour la perte de parts de marché sur le marché des exportations, et non le handicap salarial que l’on ne cesse de gonfler artificiellement. Nos voisins bataves en sont la meilleure preuve: avec une évolution salariale nettement plus marquée que chez nous, les Pays-Bas enregistrent encore de légers gains en parts de marché entre 1996 et 2010 et réalisent un excédent de 7% du PIB sur le compte courant de la balance des paiements…

Renaat Hanssens, conseiller service d’études
Luc Cortebeeck, président

20 juillet 2011

Une fête nationale qui laisse entrevoir une Belgique appauvrie est une mauvaise nouvelle pour les Wallons, les Bruxellois et les Flamands

Un vieillissement intenable

Nous avons déjà abordé ce sujet dans un message précédent: la lecture sélective des rapports internationaux pour la Belgique. Prenons par exemple la façon dont les médias ont de nouveau surtout retenu les litanies éculées de l’Organisation pour la Coopération et le Développement Economique (OCDE) concernant notre système d’indexation. Par contre, ils ne se sont guère intéressés à l’avertissement lancé à la Belgique à propos du volet financier de la réforme de l’Etat. L’autorité fédérale, dit l’OCDE, est celle dont les moyens augmentent le moins, alors qu’elle doit supporter l’essentiel de la charge d’intérêt et du coût lié au vieillissement. "Cette combinaison rend le système actuel de plus en plus intenable, si l’autorité fédérale ne reçoit pas de moyens supplémentaires ou si aucune forme de répartition des charges avec les Régions et Communautés n’intervient". Cette prise de position s’inscrit dans le prolongement des constats de la Commission d’étude sur le vieillissement. Celle-ci souligne depuis des années que les coûts du vieillissement sont principalement à charge de l’autorité fédérale. L’an dernier encore, on disait que l’autorité fédérale devait supporter 98% de ces coûts. Cette année, le discours est encore un peu plus radical: tant à moyen qu’à long terme, l’Entité I (l’autorité fédérale et la sécurité sociale fédérale ensemble) devra supporter l’entièreté du coût du vieillissement.

La Belgique, un autre pays?

Le défi du refinancement du niveau fédéral risque pourtant de passer constamment au second plan dans les tractations concernant la réforme de l’Etat. En effet, les politiciens sont de plus en plus nombreux à ne vouloir s’inscrire que dans un cadre régional, considérant que le financement du niveau belge n’est rien d’autre qu’une perte pour leur propre région. Trop de partis et de responsables politiques n’ont qu’un seul souci en tête: comment garantir que ma Région devienne plus riche et non plus pauvre? Ce phénomène, on peut l’observer tant en Flandre qu’à Bruxelles et en Wallonie, tant chez les Flamands que chez les francophones et les germanophones.

Ce discours est le plus marqué chez les responsables politiques qui ont (surtout) un ancrage régional. Ils doivent se représenter devant l’électeur dans quelques années et ils aimeraient avoir de belles réalisations à faire valoir.

La préoccupation du refinancement (de l’autorité fédérale) n’a pas disparu pour autant. Elle est cependant rapidement oubliée lorsque l’on est confronté à ses conséquences pour la politique de la Région ou de la Communauté. Dans ce cas, on a parfois l’impression que la Belgique est un autre pays, peuplé d’autres habitants. On croirait que les Belges sont un autre peuple que les Wallons, les Bruxellois et les Flamands. Qu’un lent étranglement de l’autorité fédérale sera indolore pour les Wallons, les Bruxellois et les Flamands.

Paupérisation

"Les propositions sur la table risquent de déclencher la paupérisation de ma région", selon le nouveau slogan. Pourtant, le problème se pose de façon radicalement différente. Si les moyens de l’autorité fédérale sont d’autant plus réduits, et donc si les moyens de la sécurité sociale sont d’autant plus réduits, il faudra d’autant plus réduire la protection sociale, ce qui risque d’accroître la paupérisation, dans toutes les régions. Il est d’autant plus décevant de voir comment des partis comme le SP.a, le PS, le CD&V et le CDH, qui ont toujours fermement défendu une sécurité sociale fédérale adéquate, acceptent de temps à autre de suivre ce raisonnement.

C’est aussi un exemple de la logique dans laquelle les responsables et les partis politiques sont de plus en plus enfermés. Ils se demandent ce qui est bon pour le parti, le mandat politique ou encore leur propre carrière politique, mais rarement ce qui sert les intérêts du citoyen. Qu’il soit néerlandophone, francophone ou germanophone, le citoyen n’est pas différent selon qu’il est servi par le gouvernement fédéral, régional ou communautaire. Il est donc absolument insensé de faire croire que tous ceux qui se préoccupent d’assurer un financement suffisant du niveau fédéral sont des belgicains unitaires attardés. Il ne s’agit d’ailleurs pas de choisir entre la région ou la Belgique. Il s’agit de choisir les mêmes gens, mais à partir d’un certain modèle de vie en société, basé sur la solidarité, la redistribution et le souci de ceux qui en ont besoin.

Escamoter le malus

C’est justement pour cela que les pistes qui sont évoquées doivent tellement nous inquiéter.

Refinancer Bruxelles? Naturellement. Mais cet argent doit-il nécessairement ne provenir que de l’autorité fédérale?

Aucune région ne peut être perdante? Ou plutôt: aucune autorité régionale ne peut être perdante, car c’est bien de cela qu’il s’agit? Cela me plaît, mais ce qui me plaît moins, c’est qu’il n’y a en fait qu’un seul perdant: l’autorité fédérale, c’est-à-dire la sécurité sociale. Parce que chacun est bien conscient de l’impossibilité d’aller encore chercher quelque chose dans les départements de sécurité.

Des bonus et des malus pour les régions en fonction de leurs performances sur le marché de l’emploi? Voilà une mesure de responsabilisation un peu exagérée. Mais d’autre part elle peut se défendre. Toutefois, on observe à chaque fois comment c’est surtout le bonus qui est privilégié, alors que le malus est passé sous silence. Le fait que la note du formateur mentionne les deux constitue déjà un progrès. Reste que si le bonus est décrit en détail, ce n’est pas le cas du malus. Les gouvernements veulent recueillir les honneurs lorsque tout va bien, mais lorsque tout va mal, c’est la faute aux autres niveaux de pouvoir ou à la conjoncture internationale.

Il faut une réforme de l’Etat, ne serait-ce que pour sortir de l’impasse actuelle. Cette réforme de l’Etat ne peut se limiter à un réaménagement des compétences. Elle doit aussi, de manière plus importante, redistribuer les moyens en faveur de l’autorité fédérale. Voilà le message que je lance ce 21 juillet, non par amour de "la Belgique de papa", mais parce que la CSC aime la sécurité sociale et elle y tient.

Luc Cortebeeck

19 juillet 2011

Lehman Sister, Chief risk officer chez les "Brothers"

Pendant quelque temps, il fut "de bon ton", parmi les chroniqueurs, d’affirmer que les ravages de la dernière crise financière n’auraient pas été aussi dramatiques si les femmes étaient plus nombreuses parmi la haute hiérarchie des institutions financières. Dans quelle mesure la situation n’aurait-elle pas été différente si le machisme avait été moins clairement présent, si Lehman Brothers avait fait place à Lehman Sisters?

Nous assistons aujourd’hui à un renforcement de la présence des femmes à la tête des institutions financières internationales. Outre Christine Lagarde, qui vient d’être nommée directrice générale du Fonds Monétaire International, Madelyn Antoncic est devenue vice-présidente et trésorière de la Banque mondiale.

Un signe d’espoir? Selon le président de la Banque, Robert Zoellick, certainement: "Connue pour sa franchise, Madelyn apporte à la Banque une vaste connaissance des tenants et des aboutissants du monde financier et elle a démontré ses qualités de dirigeant, d’innovation et d’intégrité".

Nous sommes curieux de voir où elle a fait ses preuves. Apparemment, elle a successivement occupé, entre 1999 et 2008, les fonctions de Directeur de la politique des risques, Directeur de la gestion des risques "Marchés" et, pour finir, Chief Risk Officer chez… Lehman Brothers. Nous ne connaissons guère de détails sur le rôle que Sister Antoncic a joué chez Lehman Brothers, mais en tant que Chief Risk Officer, elle disposait quand même de quelques atouts pour mener le navire Lehman à bon port dans des eaux tortueuses. L’aveuglement face au risque, lié à un afflux de testostérone, ne serait-il donc pas un comportement uniquement masculin…?

Le libre-échange sans contraintes sociales

Ce genre de personnage est donc appelé, avec le FMI, à dicter la marche à suivre dans le monde entier. Voilà bien qui confirme que nous en sommes revenus au "business as usual", et cela préserve de la naïveté ceux qui ont trop rapidement cru qu’un nouvel ordre mondial naîtrait sur les ruines du consensus de Washington.

Les termes "consensus de Washington" évoquent l’amalgame de conceptions économiques néolibérales qui, pendant des années, étaient dominantes parmi les économistes et les dirigeants politiques et qui ont également constitué le schéma de pensée des institutions financières internationales établies à Washington, en particulier la Banque mondiale et le Fonds Monétaire International.

La rigueur budgétaire avant tout, s’il le faut aux dépens d’institutions publiques essentielles telles que l’enseignement et les soins de santé, le libre-échange sans contraintes, la libre-circulation des capitaux, un marché de l’emploi très flexible, vous-mêmes connaissez aussi les recettes que beaucoup de pays (en voie de développement) désireux d’obtenir une aide du FMI ou de la Banque mondiale ont été contraints d’appliquer.

En apparence, la crise financière, qu’aucune des deux institutions financières n’avait vu arriver à temps, semblait provoquer l’effondrement de cette pensée dominante. Le FMI, par exemple, n’hésitait pas à reprendre les vieilles traditions keynesiennes et à conseiller aux Etats de laisser filer le déficit budgétaire pour relancer la machine économique.

Aujourd’hui, le sort réservé à la Grèce démontre qu’il ne reste manifestement plus guère de traces de tout cela. DSK a eu toutes les peines du monde à parvenir à ce que le FMI change de cap. Lagarde va-t-elle vraiment essayer?

Le crédit de Madelyn Antoncic

A la Banque mondiale aussi, on observe le même retour aux thèses connues. Le nouvel instrument financier que la Banque mondiale a imaginé avec la banque d’affaires américaine JP Morgan pour combattre la volatilité des prix des denrées alimentaires ne laisse en tout cas rien présager de bon.

Plusieurs agences des Nations Unies avaient déjà indiqué que l’envolée des prix des denrées alimentaires était principalement due aux marchés financiers, qui utilisent des produits dérivés pour spéculer sur les marchés des denrées alimentaires.

Pour protéger les petits fermiers de l’hémisphère sud contre les importantes fluctuations des prix, la Banque mondiale veut désormais simplement leur permettre d’avoir accès à ces instruments financiers. Je me demande vraiment qui sera gagnant dans cette affaire: les petits producteurs de denrées alimentaires ou plutôt… JP Morgan? Tout comme je me demande dans quel camp Madelyn Antoncic se trouvera…

Bien sûr, elle aussi mérite du crédit au moment de prendre ses fonctions. C’est ce qu’on appelle "le bénéfice du doute". Mais il faut déjà être un prêteur particulièrement machiste pour accorder autant de crédit à une Lehman Sister.

Renaat Hanssens,
Conseiller service d’étude CSC

Petites guerres estivales

Cela ressemble furieusement à une stratégie bien étudiée. Chaque été, des missiles soigneusement mis en batterie de différentes positions prennent pour cible "notre modèle social".

Les critiques émanent à la fois de certains milieux politiques, d’institutions européennes et internationales, de groupes de réflexion "soi-disant" indépendants – soi-disant parce que leurs propositions servent surtout les intérêts de leurs commanditaires et patrons –, d’organisations patronales qui subissent de plus en plus l’influence non seulement des partis libéraux classiques, mais aussi des partis libéraux nationalistes ; des médias, enfin, qui visent surtout à propager des idées simplistes, parce que celles-ci sont tellement proche des tendances à la mode et qu’elles permettent aux médias de doper leurs chiffres de vente.

Ce qui me touche le plus dans tout ceci, c’est que – malgré le niveau de formation élevé que nous avons globalement acquis au cours des dernières décennies – nous témoignons d’un tel esprit grégaire. J’observe de moins en moins de traces d’un sain esprit critique. Je pars du principe que la vérité est souvent multiforme et généralement plus complexe que le noir ou le blanc.

Prenons par exemple la liaison des salaires à l’index (nous y consacrerons de prochaines chroniques). L’OCDE a formulé à ce propos une recommandation négative. Rien de nouveau sous le soleil, mais l’élément remarquable est que les médias se désintéressent complètement de nombreuses autres recommandations intéressantes de l’OCDE.

L’OCDE s’inquiète par exemple du financement de l’Etat fédéral pour assurer le financement du vieillissement. Les Régions et les Communautés doivent accroître leurs efforts dans le domaine financier, par exemple financer elles-mêmes les pensions de leurs agents.

Les entreprises profitent du système du chômage économique, pour lequel les conditions sont peu nombreuses. Ces conditions doivent être rendues plus strictes. Il faut intensifier l’offre de cours de langues destinée aux migrants et rendre l’enseignement maternel obligatoire. Nous ne plaidons pas pour le relèvement de l’âge de la pension.

En outre, Angel Gurria, le secrétaire général de l’OCDE, a félicité la Belgique parce que les mesures élaborées avec les partenaires sociaux ont permis à notre pays de bien résister à la crise. Globalement, la donne était donc plus équilibrée, mais les "équilibres" ne sont pas intéressants d’un point de vue commercial.

Il est également réjouissant d’entendre certaines voix oser s’élever contre le démantèlement de l’index, la solution que certains proposent pour résoudre nos problèmes. L’ancien gouverneur honoraire de la Banque nationale de Belgique, Fons Verplaetse, déclare par exemple dans Knack: "Ceux qui prétendent que les salaires sont la solution pour rétablir la compétitivité mentent à l’opinion publique".

En présence de Gurria, le premier ministre Leterme en a remis une couche devant la presse internationale: "L’index est surtout un thermomètre. Il faut aussi s’intéresser à la fièvre qu’il mesure". Il s’agissait d’une référence explicite à l’évolution des prix énergétiques, sans pour autant nier le problème de l’inflation. "Dans le même temps, l’index est une des pierres angulaires du modèle social belge".

Ce débat ouvert et loyal, fondé sur des arguments, voilà ce qui me manque vraiment. Mais il y a plus grave: ce vide pourrit et travestit le dialogue socioéconomique et politique. L’opinion publique est constamment prise à contre-pied, entre autres par les petites guerres estivales actuelles.

Luc Cortebeeck, Président de la CSC

14 juillet 2011

L'effet Santiago

Depuis quelques mois, il est à nouveau beaucoup question de l’effet « Matthieu » (Matthieu 13,12. «Car on donnera à celui qui a, et il sera dans l'abondance; mais à celui qui n'a pas, on enlèvera même ce qu'il a ») comme leitmotiv pour les assainissements budgétaires de 22 milliards. Le raisonnement tenu est le suivant : la redistribution des revenus, que l’on tente de réaliser grâce aux équipements collectifs, à la protection sociale et à une fiscalité progressive, est en partie contrecarrée par le fait que les plus fortunés bénéficient d’une trop grande part des dépenses publiques.

Bea Cantillon et son équipe du «Centrum voor Sociaal Beleid» ont spécifiquement dénoncé ce phénomène pour les dépenses relatives aux garderies. Jef Pacolet du «Hoger Instituut voor de Arbeid» a fait de même pour le «pays de cocagne» des dépenses fiscales. Jos Berghman de la KULeuven s’en est pris aux pensions complémentaires. Presque tous les spécialistes du marché de l’emploi critiquaient unanimement les «chèques formation». Et les mesures d’aide en faveur des énergies renouvelables ou des économies d’énergie ont fait récemment une quasi unanimité contre elles.

Je me méfie toujours d’un tel unanimisme, parce qu’une «pensée unique» poussée à ce point émousse la réflexion critique. Et aussi parce que personne ne décèle plus les dangers d’un fonctionnement naïf et exagéré de cette pensée unique.

L’envers et l’endroit

Lorsqu’on analyse le rôle des pouvoirs publics et de la sécurité sociale en matière de redistribution des revenus, il faut toujours envisager deux aspects: les dépenses, mais aussi les recettes. Or ce deuxième point est souvent passé sous silence.
Bien entendu, on constate souvent que les travailleurs qui gagnent mieux leur vie profitent plus de certaines dépenses publiques. Mais attention, ces travailleurs financent aussi ces dépenses suite à une fiscalité progressive et à des cotisations sociales proportionnelles. Aujourd’hui, bien sûr, cette progressivité (appelée aussi proportionnalité) est remise en cause de quantité de manières. Mais avant de parler d’une redistribution à rebours, il vaudrait mieux commencer par une analyse critique de l’ensemble des revenus comme des dépenses.
Depuis dix ans, on a beaucoup misé sur quelques outils politiques spécifiques ciblés sur les travailleurs et sur les personnes qui vont entamer une carrière professionnelle. Ces mesures visaient surtout à promouvoir la participation des femmes au marché de l’emploi et la participation des travailleurs à la formation: garderies, crédit-temps, interruption de carrière, titres-services, chèques formation, etc. Il s’agit par définition de dépenses qui profitent totalement ou essentiellement à des ménages composés de travailleurs et, en particulier aussi, à des ménages à deux revenus. Par contre, elles ne profitent guère aux pauvres. Aujourd’hui, ce constat est habilement utilisé pour laisser entendre que toutes ces dépenses publiques n’ont aucune valeur sociale ajoutée. Et par conséquent pour procéder à des assainissements qui visent principalement les dépenses, sans s’intéresser aux recettes. Et ainsi, elles sont utilisées surtout pour s’opposer à toute tentative de rendre la fiscalité plus équitable.

De pauvres systèmes

La critique exagérée à l’encontre de l’effet «Matthieu» risque finalement d’inciter à conclure qu’il serait préférable de renoncer à toutes ces dépenses publiques qui bénéficient aux groupes intermédiaires. Le raisonnement est le suivant: face à la nécessité pour l’Etat de trouver 22 milliards d’assainissements et d’assurer la viabilité du vieillissement, nous sommes obligés de procéder à des choix radicaux. Toutes les nouvelles initiatives que nous décidons devraient, de préférence, être limitées aux revenus les plus faibles. Et il vaudrait mieux réorienter vers les revenus les plus faibles toutes les dépenses déjà consenties.
Dans ce cas, il ne resterait en fin de compte que des dépenses publiques et une sécurité sociale qui n’auraient pour seule finalité que de maintenir les gens hors de la pauvreté. Pareil choix serait mauvais puisque, comme on le dit en anglais, «systems for the poor become poor systems». J’en apprécie la traduction littérale: «les systèmes pour les pauvres deviennent des pauvres systèmes».
Il n’y a rien à redire à une politique sociale qui offre aussi un «retour sur investissements» aux groupes intermédiaires. Mieux même, des systèmes uniquement conçus pour les pauvres aggraveraient la situation des pauvres. En effet, pourquoi les groupes intermédiaires, qui en définitive devraient financer ces systèmes et qui devraient aider des politiciens dotés d’une «fibre sociale» à conquérir le pouvoir pour les mettre en place, seraient-ils encore tentés d’investir leur argent et le suffrage qu’ils expriment tous les 4 à 5 ans dans quelque chose dont eux-mêmes ne ressentiraient pas d’utilité immédiate? C’est pour cette raison que le mouvement syndical a toujours été un fervent partisan de la combinaison entre solidarité et assurance dans la sécurité sociale. Ce raisonnement s’applique tout autant à d’autres mécanismes de redistribution.

Piège aux revenus

D’ailleurs, si l’on n’y prend pas garde, les allocations, subventions et structures liées au revenu vont s’accumuler en un rien de temps. Or un constat s’impose de manière incontournable: en général, les travailleurs considèrent qu’une telle sélectivité est particulièrement inéquitable. En effet, ces travailleurs observent bien souvent dans leur entourage la manière dont les indépendants et les professions libérales qui font des affaires florissantes continuent d’accaparer une large part des aides liées au revenu. Aussi longtemps que l’on ne parviendra pas à endiguer la sous-estimation massive des revenus réels, les aides liées au revenu resteront une subvention accordée à ceux qui fraudent et éludent l’impôt. Il s’agit en quelque sorte d’un bonus versé à ceux qui volent la communauté. Tous ces partisans d’une aide limitée en fonction du revenu se sont-ils déjà demandé quelles en seraient les conséquences en termes de pièges au chômage, à l’inactivité, aux bas salaires et aux revenus? Le moindre dépassement des plafonds de revenus risque de faire perdre quantité d’avantages et donc de coûter beaucoup d’argent. Pareille situation est donc tout simplement inconciliable avec l’objectif d’un relèvement du taux d’activité.

Des requins

Il ne faut surtout pas considérer cette réflexion comme une invitation à renoncer au «test Matthieu». Il s’agit plutôt d’une invitation à continuer d’envisager «l’effet Matthieu» comme une partie d’une politique globale de redistribution, qui ne limite pas la redistribution à satisfaire les besoins des pauvres mais qui continue à répondre aux besoins sociaux des groupes intermédiaires, et, surtout, n’offre pas d’alibi à ceux qui veulent jeter aux oubliettes la large solidarité avec les personnes qui ont des besoins spécifiques.
Il faudra donc surtout veiller à ce que «l’effet Matthieu» ne joue pas un rôle dominant, car il ne ferait que renforcer «l’effet Santiago», du nom du vieux pêcheur qui, dans le «Le vieil homme et la mer», un roman d’Hemingway, avait pêché un espadon particulièrement gros: au bord de l’épuisement, il était parvenu à le ramener au port, arrimé au côté de son bateau. Mais il avait alors découvert que les requins avaient dépecé l’espadon, ne laissant plus que la tête et les arêtes...

Chris Serroyen
Chef du service d’étude de la CSC

13 juillet 2011

Indexation des salaires de DSK et Christine Lagarde

Ce n’est pas nouveau: beaucoup d’institutions internationales ou d’instituts économiques s’en prennent volontiers à notre mécanisme d’indexation automatique des salaires, l’une des caractéristiques essentielles du modèle de prospérité belge. L’OCDE (cette semaine encore), la Commission européenne (dans ses prescrits en faveur de la Gouvernance économique), la Banque centrale européenne et notre propre Banque nationale s’inspirent apparemment les uns des autres pour rédiger leur livre de recettes économiques.
Le FMI (Fonds monétaire international) ne vaut somme toute pas mieux. Ainsi, on pouvait encore lire dans son dernier rapport sur la situation économique de notre pays: «Pour accroître la flexibilité dans les négociations salariales et, de cette manière, tenir compte des circonstances différentes des divers secteurs et des effets de second tour liés à la volatilité des prix de l’énergie, il faut réexaminer le mécanisme d’indexation automatique des salaires, y compris dans le secteur public».
Nous avons donc cherché à savoir comment le FMI traite son propre personnel.
Nous n’avons pas réussi à retrouver la politique salariale appliquée pour Jane, assistante administrative, ni pour Jimmy, économiste junior. Par contre, nous n’avons pas dû chercher très loin pour trouver les conditions contractuelles de DSK, l’ancien dirigeant du FMI, ou de Christine Lagarde, qui lui a récemment succédé. Ces conditions figurent dans leurs lettres de nomination respectives, publiées sur le site du FMI. En termes de rémunération, aucune des deux personnalités n’a à se plaindre. Avec un salaire annuel non imposable de 467.940 $, une indemnité forfaitaire de représentation de 83.760 $ et une indemnité journalière non spécifiée pour les déplacements à l’étranger qui vient s’ajouter aux frais de voyage et d’hôtel, le Managing Director ne concurrence certes pas encore les grands de Wall Street, mais sa rémunération peut difficilement être qualifiée de «misérable». DSK et Christine Lagarde n’ont pas non plus à se plaindre de l’indexation automatique de leur confortable rémunération. Prenons la clause 3d des conditions de nomination: tant le salaire que l’indemnité de représentation sont adaptés chaque 1er juillet à l’augmentation en pour cent de l’indice des prix à la consommation de Washington DC. Il ne s’agit donc pas de l’indice des prix moyen des Etats-Unis. Non, cette adaptation est basée sur l’évolution des prix de la région, où l’inflation est supérieure à la moyenne, sans correction pour le tabac, l’alcool et les carburants. Car à Washington DC, personne n’a jamais entendu parler d’un indice santé. Le résultat est facile à calculer: en 3 ans et 9 mois (la période entre la nomination de DSK et celle de Christine Lagarde), le salaire est passé de 420.930 $ à 467.940 $, soit une augmentation moyenne annuelle de 2,86 %. Et nous recevons des leçons de ce genre de personnages, Christine Lagarde en tête, elle qui a contribué à la mise en place du pacte franco-allemand pour la compétitivité, atténué depuis en devenant le Pacte euro plus, dont le but était de proscrire les mécanismes d’indexation automatique dans toute la zone euro.

11 juillet 2011

Valeur du travail et des travailleurs

Ces dernières années, la CSC a travaillé dur pour mettre fin au statut de second ordre des ouvriers. Si les fruits de ce travail sont visibles, ils restent encore largement insuffisants parce que nous nous sommes systématiquement heurtés à certaines résistances. Les négociations pour l’accord interprofessionnel (AIP) 2011-2012 l’ont une nouvelle fois démontré. Nous n’avons pas pu dépasser le stade du projet. A la demande du président du Conseil national du travail (CNT), Paul Windey, ce projet comportait deux volets pour le dossier ouvriers-employés : dans les années à venir, une série d’améliorations seraient apportées, essentiellement en matière de chômage temporaire et de licenciement. Elles étaient toutefois liées à un projet d’accord visant à réaliser ce travail dans une période de deux ans.

Finalement, dans son arrêt du 7 juillet 2011, la Cour constitutionnelle a entériné cette approche en grande partie. Elle prend acte des premières améliorations qu’elle trouve même « substantielles » et « témoignant de la volonté expresse (…) de poursuivre, par étapes, l’harmonisation du statut des ouvriers et des employés ». Ce qui est important, c’est que la Cour donne deux ans pour effectuer intégralement le travail, tout comme le faisait le projet d’AIP. D’après la Cour, effectuer « intégralement » signifie finaliser l’harmonisation du statut des ouvriers et des employés. Car c’est bien d’harmonisation qu’il s’agit. Ceux qui continuent à penser qu’un travail de rafistolage et l’élimination de quelques discriminations peuvent suffire, se trompent lamentablement. Une solution globale devra être trouvée. La Cour précise aussi explicitement que la différence « dans les autres matières du droit du travail et de la sécurité sociale » doit faire l’objet d’une discussion. Telle a toujours été l’approche de la CSC.

Lorsque le projet d’AIP a vu le jour, certains ont – peut être trop rapidement – parlé d’un « accord historique » et d’une étape irréversible dans le sens d’un statut commun. Or il n’y a jamais eu d’accord. Et au lieu de faire un pas en avant, on risquait de faire deux pas en arrière. Rétrospectivement, force est de constater qu’ils ont quand même eu raison puisque le gouvernement a repris les premières étapes du projet d’accord et que, maintenant, la Cour constitutionnelle reprend également ce projet d’engagement de résultat, en demandant de présenter une solution globale dans les deux ans à venir. Avec une grande différence toutefois : un accord interprofessionnel se serait limité à un engagement de portée morale. La Cour constitutionnelle refuse à présent à qui que ce soit le droit de reporter ce débat aux calendes.

Evidemment, les employeurs rêvent déjà d’une initiative gouvernementale qui harmoniserait vers le bas et alignerait le statut des employés sur celui des ouvriers. Ce n’est pas la vision de la CSC, contrairement à ce qu’un « journal flamand de qualité » a publié ce 8 juillet .
Les employeurs feraient bien de considérer que ce sont là des vœux pieux ! l’avis du Conseil d’Etat sur le projet de loi transposant le projet d’AIP le montre à suffisance. Le Conseil d’Etat rappelle que l’article 23 de la Constitution – il s’agit de l’article réglant les droits sociaux fondamentaux – fait tout simplement obstacle à une réduction du niveau global de protection en matière de droit du travail et de droit social. Les employeurs feraient donc bien de renoncer à leurs rêves.

La référence à l’article 23 est aussi un argument juridique. Or les arguments juridiques sont utilisés à défaut de mieux. S’il est exact qu’une harmonisation est une nécessité juridique, comme la Cour constitutionnelle l’a une nouvelle fois rappelé, cette fois-ci une échéance a été fixée. Pour la CSC, cette question est et reste une question sociale : donner enfin à l’ouvrier la dignité et la protection qu’il mérite. Il s’agit en outre d’un défi économique car ce n’est pas en maintenant une protection de second ordre que l’on va rendre les formations et les professions techniques et technologiques plus attrayantes pour les jeunes (et les travailleurs plus âgés) qui veulent en faire un gagne-pain.

7 juillet 2011

Une aumône pour les chômeurs de longue durée !

Note du formateur

Mardi dernier, la CSC et les autres syndicats ont très vivement réagi à la note du formateur Elio Di Rupo. La virulence des propos a surpris nos partisans comme nos détracteurs et par conséquent elle a provoqué une petite onde de choc. Tant mieux car c’était également notre objectif. Pour quatre raisons.

Premièrement, la note d’Elio Di Rupo comporte bien évidemment des points positifs. L’inverse serait tragique! Et l’on ne peut pas nier que le formateur va au-delà des attentes sur le plan fiscal, notamment avec l’impôt sur les plus-values spéculatives, l’impôt de crise sur les grosses fortunes, l’augmentation du précompte mobilier, la majoration de la taxe boursière et également la limitation de la déduction des intérêts notionnels. Or, après les premières réactions modérément positives des employeurs, on constate déjà que l’opposition du monde patronal et financier s’organise pour torpiller ces propositions l’une après l’autre et ne conserver au final que les mesures pénibles pour les travailleurs et les allocataires sociaux. Nous en avons déjà été témoins lors des précédents programmes d’assainissement.

Deuxièmement, ces mêmes adversaires des nouvelles recettes estiment que les coupes sombres d’Elio Di Rupo ne sont pas suffisantes. Ils cherchent à se convaincre que le formateur ne s’attaque pas aux tabous des syndicats et ils s’efforcent de créer un climat qui, en marge, permettra d’éroder un peu la protection sociale. Or il s’agit déjà d’une accumulation de mesures particulièrement douloureuses en matière de chômage, de crédit-temps, d’interruption de carrière, de prépension, de pensions anticipées et de pensions, la plus douloureuse étant incontestablement la condamnation des chômeurs de longue durée à l’aumône (cf. infra).

Troisièmement, nous devons élaborer une politique de l’emploi plus crédible. Elio Di Rupo espère créer 250.000 emplois d’ici à 2015. Mais ce qu’on lit surtout dans sa note, c’est qu’il entend accroître la demande d’emplois. Sans la moindre perspective de générer en contrepartie des offres d’emploi supplémentaires de qualité. Pour les jeunes et les seniors.

Quatrièmement, il est exaspérant d’entendre la manière dont on parle aujourd’hui des travailleurs et des allocataires sociaux. Des jeunes qui « tirent au flanc ». Des chômeurs qui « paressent dans leur hamac ». Des travailleurs qui « aspirent seulement à prendre congé, en prolongeant un congé parental ». Des seniors qui « cherchent uniquement à faire supporter aux jeunes générations le coût de leurs privilèges »… Il serait bienvenu de faire preuve d’un minimum d’empathie à l’égard des difficultés auxquelles ces groupes sont confrontés. C’est également le message que nous avons voulu faire passer.

380.000 pauvres en moins?

Ce type d’empathie serait particulièrement bienvenu à l’égard des chômeurs de longue durée. D’aucuns affirment que le fait qu’Elio Di Rupo accepte enfin d’accroître la dégressivité de l’assurance-chômage, avec une allocation minimum après une deuxième période (plus limitée), constitue déjà une avancée. Ces mêmes personnes estiment que l’on peut aller un peu plus loin, de préférence en cessant le versement de toute allocation après un certain temps. Ont-elles seulement imaginé ce que le chômage impose à un jeune? A un senior? Jour après jour, ils se voient claquer la porte au nez lorsqu’ils se présentent dans des entreprises… imaginent-elles ce que cela représente? Se sont-elles jamais représenté ce que cela signifie de devoir s’en sortir avec une allocation de chômage minimum? S’imaginent-elles à quel point les chômeurs trouvent injuste d’être «accusés» de chômage de longue durée après une crise financière engendrée par l’arrogance et la cupidité des marchés financiers?
Et se sont-elles interrogées sur la manière dont on va comment combiner cet effort demandé aux chômeurs de longue durée avec le nouvel objectif belge, inscrit dans le programme de réforme belge pour la stratégie Europe 2020, qui entend réduire de 380.000 le nombre de personnes confrontées à un risque de pauvreté ou d’exclusion? Le minimum pour un chômeur isolé s’élève actuellement à 881 euros par mois. Pour un chef de ménage au chômage, il est de 1.048 euros. Ce montant sera majoré de 2% dès le 1er septembre, grâce au projet d’accord interprofessionnel. Il passera donc à 899 euros par mois pour un isolé et à 1.069 euros par mois pour un chef de ménage. Or, ce montant pour les isolés reste encore 8% en-dessous de la norme européenne (actualisée) en matière de pauvreté.

Pour les chefs de ménage (avec conjoint), cet écart est de 27%. N’est-il donc pas tout à fait normal que les syndicats critiquent le fait que certains plongent les chômeurs de longue durée dans la pauvreté en instaurant cette nouvelle dégressivité? Et est-il normal que la Belgique manque à son engagement à l’égard de l’Europe de réduire la pauvreté et l’exclusion?

Blog de l’été

Il s’agit seulement de l’une des critiques formulées à l’encontre de la note d’Elio Di Rupo. Nous passerons également les autres parties de cette note au crible avec la même précision, mais pas sans faire preuve d’empathie à l’égard du formateur confronté à un défi relativement important. Nous analyserons aussi avec la même rigueur diverses autres pistes qui circulent. Nous entendons le faire au travers de ce blog qui relaiera nos positions jusqu’au début de la nouvelle année d’activité syndicale. Dans le prolongement du «blog de l’été» que nous avions rédigé l’an dernier. En guise d’antidote. See you soon.

Luc Cortebeeck, Président de la CSC