11 juillet 2011

Valeur du travail et des travailleurs

Ces dernières années, la CSC a travaillé dur pour mettre fin au statut de second ordre des ouvriers. Si les fruits de ce travail sont visibles, ils restent encore largement insuffisants parce que nous nous sommes systématiquement heurtés à certaines résistances. Les négociations pour l’accord interprofessionnel (AIP) 2011-2012 l’ont une nouvelle fois démontré. Nous n’avons pas pu dépasser le stade du projet. A la demande du président du Conseil national du travail (CNT), Paul Windey, ce projet comportait deux volets pour le dossier ouvriers-employés : dans les années à venir, une série d’améliorations seraient apportées, essentiellement en matière de chômage temporaire et de licenciement. Elles étaient toutefois liées à un projet d’accord visant à réaliser ce travail dans une période de deux ans.

Finalement, dans son arrêt du 7 juillet 2011, la Cour constitutionnelle a entériné cette approche en grande partie. Elle prend acte des premières améliorations qu’elle trouve même « substantielles » et « témoignant de la volonté expresse (…) de poursuivre, par étapes, l’harmonisation du statut des ouvriers et des employés ». Ce qui est important, c’est que la Cour donne deux ans pour effectuer intégralement le travail, tout comme le faisait le projet d’AIP. D’après la Cour, effectuer « intégralement » signifie finaliser l’harmonisation du statut des ouvriers et des employés. Car c’est bien d’harmonisation qu’il s’agit. Ceux qui continuent à penser qu’un travail de rafistolage et l’élimination de quelques discriminations peuvent suffire, se trompent lamentablement. Une solution globale devra être trouvée. La Cour précise aussi explicitement que la différence « dans les autres matières du droit du travail et de la sécurité sociale » doit faire l’objet d’une discussion. Telle a toujours été l’approche de la CSC.

Lorsque le projet d’AIP a vu le jour, certains ont – peut être trop rapidement – parlé d’un « accord historique » et d’une étape irréversible dans le sens d’un statut commun. Or il n’y a jamais eu d’accord. Et au lieu de faire un pas en avant, on risquait de faire deux pas en arrière. Rétrospectivement, force est de constater qu’ils ont quand même eu raison puisque le gouvernement a repris les premières étapes du projet d’accord et que, maintenant, la Cour constitutionnelle reprend également ce projet d’engagement de résultat, en demandant de présenter une solution globale dans les deux ans à venir. Avec une grande différence toutefois : un accord interprofessionnel se serait limité à un engagement de portée morale. La Cour constitutionnelle refuse à présent à qui que ce soit le droit de reporter ce débat aux calendes.

Evidemment, les employeurs rêvent déjà d’une initiative gouvernementale qui harmoniserait vers le bas et alignerait le statut des employés sur celui des ouvriers. Ce n’est pas la vision de la CSC, contrairement à ce qu’un « journal flamand de qualité » a publié ce 8 juillet .
Les employeurs feraient bien de considérer que ce sont là des vœux pieux ! l’avis du Conseil d’Etat sur le projet de loi transposant le projet d’AIP le montre à suffisance. Le Conseil d’Etat rappelle que l’article 23 de la Constitution – il s’agit de l’article réglant les droits sociaux fondamentaux – fait tout simplement obstacle à une réduction du niveau global de protection en matière de droit du travail et de droit social. Les employeurs feraient donc bien de renoncer à leurs rêves.

La référence à l’article 23 est aussi un argument juridique. Or les arguments juridiques sont utilisés à défaut de mieux. S’il est exact qu’une harmonisation est une nécessité juridique, comme la Cour constitutionnelle l’a une nouvelle fois rappelé, cette fois-ci une échéance a été fixée. Pour la CSC, cette question est et reste une question sociale : donner enfin à l’ouvrier la dignité et la protection qu’il mérite. Il s’agit en outre d’un défi économique car ce n’est pas en maintenant une protection de second ordre que l’on va rendre les formations et les professions techniques et technologiques plus attrayantes pour les jeunes (et les travailleurs plus âgés) qui veulent en faire un gagne-pain.

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