19 juillet 2011

Petites guerres estivales

Cela ressemble furieusement à une stratégie bien étudiée. Chaque été, des missiles soigneusement mis en batterie de différentes positions prennent pour cible "notre modèle social".

Les critiques émanent à la fois de certains milieux politiques, d’institutions européennes et internationales, de groupes de réflexion "soi-disant" indépendants – soi-disant parce que leurs propositions servent surtout les intérêts de leurs commanditaires et patrons –, d’organisations patronales qui subissent de plus en plus l’influence non seulement des partis libéraux classiques, mais aussi des partis libéraux nationalistes ; des médias, enfin, qui visent surtout à propager des idées simplistes, parce que celles-ci sont tellement proche des tendances à la mode et qu’elles permettent aux médias de doper leurs chiffres de vente.

Ce qui me touche le plus dans tout ceci, c’est que – malgré le niveau de formation élevé que nous avons globalement acquis au cours des dernières décennies – nous témoignons d’un tel esprit grégaire. J’observe de moins en moins de traces d’un sain esprit critique. Je pars du principe que la vérité est souvent multiforme et généralement plus complexe que le noir ou le blanc.

Prenons par exemple la liaison des salaires à l’index (nous y consacrerons de prochaines chroniques). L’OCDE a formulé à ce propos une recommandation négative. Rien de nouveau sous le soleil, mais l’élément remarquable est que les médias se désintéressent complètement de nombreuses autres recommandations intéressantes de l’OCDE.

L’OCDE s’inquiète par exemple du financement de l’Etat fédéral pour assurer le financement du vieillissement. Les Régions et les Communautés doivent accroître leurs efforts dans le domaine financier, par exemple financer elles-mêmes les pensions de leurs agents.

Les entreprises profitent du système du chômage économique, pour lequel les conditions sont peu nombreuses. Ces conditions doivent être rendues plus strictes. Il faut intensifier l’offre de cours de langues destinée aux migrants et rendre l’enseignement maternel obligatoire. Nous ne plaidons pas pour le relèvement de l’âge de la pension.

En outre, Angel Gurria, le secrétaire général de l’OCDE, a félicité la Belgique parce que les mesures élaborées avec les partenaires sociaux ont permis à notre pays de bien résister à la crise. Globalement, la donne était donc plus équilibrée, mais les "équilibres" ne sont pas intéressants d’un point de vue commercial.

Il est également réjouissant d’entendre certaines voix oser s’élever contre le démantèlement de l’index, la solution que certains proposent pour résoudre nos problèmes. L’ancien gouverneur honoraire de la Banque nationale de Belgique, Fons Verplaetse, déclare par exemple dans Knack: "Ceux qui prétendent que les salaires sont la solution pour rétablir la compétitivité mentent à l’opinion publique".

En présence de Gurria, le premier ministre Leterme en a remis une couche devant la presse internationale: "L’index est surtout un thermomètre. Il faut aussi s’intéresser à la fièvre qu’il mesure". Il s’agissait d’une référence explicite à l’évolution des prix énergétiques, sans pour autant nier le problème de l’inflation. "Dans le même temps, l’index est une des pierres angulaires du modèle social belge".

Ce débat ouvert et loyal, fondé sur des arguments, voilà ce qui me manque vraiment. Mais il y a plus grave: ce vide pourrit et travestit le dialogue socioéconomique et politique. L’opinion publique est constamment prise à contre-pied, entre autres par les petites guerres estivales actuelles.

Luc Cortebeeck, Président de la CSC

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